Sac sur l’épaule, un pas après l’autre te voila en route Einarri ! Sur le chemin tu refais le monde. Quel genre de rencontre t’attend ? Avec quelle personne originale et étrange vas-tu  peut-être te lier ? A cet instant plus rien n’existe autour de toi. Il n’y a que ton imagination et ce petit air que tu sifflotes sans t’en rendre compte. Tu ne t’es définitivement jamais sentie aussi bien qu’à cet instant. Sans contrainte, sans obligation. Juste libre de faire ce que tu veux, quand tu veux, où tu veux. Ta prochaine destination ? Simple :  le royaume d’Arbor ! Ne soyons pas trop gourmands pour commencer et allons simplement visiter le pays voisin.

C’est ce que tu pensais à la sortie du village. Maintenant… l’objectif est le même, mais tu te rends compte que c’est plus loin que prévu. C’est sûr qu’on n’y est pas en un jour de marche Einarri. À quoi tu t’attendais ? Tout n’est pas rose et facile quand on part à l’aventure. Et pourtant… Tu as déjà fait quelques jours de marches. Tu as parcouru une distance plutôt satisfaisante depuis ton départ. Sans te vanter, tu es plutôt fier de ton premier exploit ! Tu n’es pas encore mort intoxiqué ou dévorer par tu ne sais quelle bête sauvage. Tu as même réussi à te faire des souvenirs mémorables Einarri. Ta première nuit fut horrible c’est vrai. Tu n’as pratiquement pas fermé l’œil de la nuit tant tu avais peur… mais si ça ne t’était pas arrivé tu n’aurais pas pu contempler ce lever de soleil. Si grand, si lumineux et si rassurant par la même occasion. Tu n’aurais sans doute jamais pu voir les herbivores s’amuser dans les champs vierges de toute production, jamais vu ces paysages que tu ne pensais exister que dans les livres. Si tu étais resté dans ta campagne tu n’aurais aussi jamais pu échanger avec les voyageurs que tu as de temps à autre rencontrés. Jamais pu partager un repas avec eux, jamais pu poser tes questions, jamais demander ta direction, jamais t’ouvrir au monde.

En repensant à tout ce que tu as vécu en si peu de temps, tu remarques que tu quittes les plaines. L’air se fait plus humide, la végétation plus verdoyant et plus dense. Plus tu t’enfonces dans ce nouveau paysage, plus tu te rapproches sans le savoir de ton premier but Einarri. Comment peux-tu savoir où tu te situes sur le continent puisque tu n’as pris avec toi aucune carte… De toute façon, tu ne sais pas les lire donc elle ne t’aura servi qu’à faire joli. Cela dit, au vu de cette immense étendue d’eau, impossible de se tromper ! Te voilà près des lacs qui aident à séparer l’empire des Eaux et le royaume d’Arbor ! Et tout le monde sait que qui dit lac, dit temps pour une petite pause bien méritée ! Tu tiens absolument à essayer l’eau. Même s’il fait encore froid pour aller piquer une tête, rien ne t’empêche d’aller patauger un peu dedans. Sans te faire prier plus longtemps, tu poses toutes tes affaires pour la forge et ton carnet de route sur un rocher un peu plus loin. Ce serait dommage de ne plus pouvoir te servir de tout ça parce que tu t’es un peu trop amusé dans l’eau…

Étrangement, il n’y a personne ici, personne que tu ne remarques du moins. Alors, tu enlèves tes chaussures et retrousses ton pantalon avant de courir vers ce lac. L’eau y est claire, limpide et tu vois aisément où t’arrêter pour ne pas finir avec de l’eau jusqu’au cou. Tu t’amuses comme un gamin à suivre les petits poissons et à voir ce que tu peux trouver sur le bord. L’eau jusqu’au mollet, tu n’es pas encombré pour bouger, au besoin tu pourras retourner rapidement à tes affaires. Mais pour l’instant… tu n’es plus un type qui a décidé de partir de chez soi. Tu es juste un enfant qui s’amuse dans l’eau et qui semble la découvrir pour la première fois de sa vie. Tu sembles tellement plus puéril et enfantin que ce que tu n’es en vrai Einarri. Tu sembles tellement… tellement simple et heureux. Qu'importe ce que peuvent penser les gens en te voyant aussi stupide dans l'eau. Pour le moment il n’y a que toi, cet air que tu sifflotes et ce grand lac bleu qui s’étant à perte de vue.

Tout finit s’arrêter un jour. Cela vaut aussi pour ta tranquillité Eina. Tu espérais qu’elle dure à jamais, aussi longtemps que possible. Hélas, tu redescends bien vite de ton euphorie lorsqu’une voix semble s’adresser à ta petite personne. Tu tentes bien de l’ignorer quelques instants, on ne sait jamais. L’espoir qu’elle disparaisse comme elle est apparu.  Manque de chance, le sort en a décidé autrement et tu ne peux passer outre sa présence. Alors, tu relèves la tête, non sans lui faire comprendre d’un regard haineux que tu préférais être seul.

- J’pense pas nope. Et la question s’applique à toi aussi j’te signale.

C’est vrai ça, pour qui elle se prend pour casser ton petit plaisir ? Et d’où elle sort en plus ? Sans un bruit, sans un son. Perplexe et dubitatif sur te décide à sortir de l’eau. Tu ne la quittes pas du regard et t’empresses d’aller vers tes affaires.

- J’veux pas dire, mais t’es louche comme type toi. T’viens pour me voler ? Si c’est ça j’sais m’défendre un minimum !

C’est vrai qu’elle n’est pas net quoi… Venir sans faire de bruit ce n’est pas normal ! Et puis tu sais pas trop Eina, elle t’inspire juste pas la confiance cette femme. Avec ces longs cheveux blés et ce petit air moqueur quand elle s’est adressée à toi.  À mi-chemin, entre avancer en crabe et de profil, tu t’empares de tes affaires par précaution.

Elle n’a pas tort… Elle aurait pu prendre tes affaires sans te parler. Elle aurait pu te voler sans que jamais tu ne le saches. Pourtant, elle a décidé de se faire remarquer, décidé de t’adresser la parole. Il n’empêche que cette fille est bizarre ! Mais… mais en l’observant faire, en la regardant ramener ces cheveux trainant dans l’eau, en inspectant ces moindres gestes, tu n’arrives pas à avoir peur. Peut-être n’est-elle pas aussi vile que tu le penses Eina. Elle est même certainement bien plus avenante et gentille que toi.  Alors pourquoi quelque chose semble te déranger chez cette personne ? Le coin est désert, elle ne devrait pas être ici… La forêt environnante n’est pas non plus sans danger, sans aller jusqu’à dire qu’elle est mortelle, certains animaux apprécieraient sans problème de la dévorer pour le dîner.

La voilà qui s’adresse une nouvelle fois à ta personne Eina. Que vas-tu faire ? Lui répondre ? L’ignorer ? Un peu des deux sans doute. Tu préfères réfléchir avant de l’ouvrir pour une fois. Lui laisseras-tu une chance de te connaître et toi veux-tu comprendre qui est cette étrange jeune femme ? Lui répondre pourrai t’entrainer dans une discussion interminable. Non. C’est même certain. Elle ne s’offusque pas d’être traitée de voleuse et cherche même à réengager la conversation, avec ça c’est obligatoirement une grande bavarde. Très certainement trop bavarde…  En revanche ne rien dire pourrait aussi t’attirer un mauvais scénario. Et si elle se met en tête de te suivre jusqu’à ce que tu daignes lui parler, tu vivras sans nul doute un enfer. Toi qui voulais de l’aventure en voyageant te voilà servi ! Cela t’apprendra à penser des choses que tu ne veux pas réellement Einarri.

- Pas spécialement. Pas du tout même. Là où j’vais c’est encore flou. Pour l’moment j’dirais vers là-bas et après et bien, j’sais pas, p’t’être la prochaine capitale. Riwe j’crois. Ou alors j’irai dans une toute autre direction.

Tu ne mens pas. Tu ne mens pratiquement jamais Eina. T’en sais foutrement rien de là où tu vas ! Tu sais à peine ce que tu fais maintenant alors comment savoir ce que tu feras plus tard ? Dans tous les cas, tu as jugé plus sage de répondre aussi sincèrement que possible. Et même si tu ne sais pas où mène la direction montrée au hasard, tu la prendras surement quand même. C’est d’ailleurs ce que tu vas faire de ce pas. Remettant tes affaires bien en place dans le sac, le prenant sur l’épaule, tu t’apprêtes à lever l’ancre. Cela ne sert à rien de s’éterniser plus longtemps si la tranquillité qui rendait le lieu agréable vient d’être corrompue.

- Et puis… en plus d’être louche, t’es pas très poli toi non ? On s’présente normalement avant d’aborder quelqu’un q’ tu connais pas.

C’est un fait qu’elle ne pourra pas nier, pas entièrement du moins. Après tout, c’est elle qui vient te déranger, c’est elle qui te pose tes questions et c’est elle qui t’observait sans que tu le saches. Quand bien même tes propos seraient déplacés, la vérité des faits est là, elle aurait dû se présenter au moment où elle a troublé la tranquillité du lieu.

Une question, puis deux, puis trios. Rien ne semble arrêter la demoiselle blonde. A croire qu’elle n’a pas parlé à quelqu’un depuis des siècles tant ses paroles continuent de sortir de sa bouche sans la moindre pause… Sac sur le dos, tu ne peux t’empêcher de lâcher un grand soupir. Avec ou sans ton accord, tu sens bien que la jeune femme n’en fera qu’à sa tête… Ton voyage s’annonce plus long que prévu avec une pipelette pareille dans l’équipe. Luinil semble être quelqu’un de joyeux et optimiste. Peut-être un poil trop à ton goût Eina. Tu aimes pouvoir apprécier le silence durant tes jours de marches. Ça te permet de te reposer et de penser un peu à la suite. Quel dommage que le destin ne partage pas ton avis sur la question pour t’avoir mis cette femme sur ton chemin…

Tu emboites le pas sans vraiment l’attendre, elle te rattrapera quoi qu’il arrive si elle tient tant que ça à faire route avec toi. Même si tu n’apprécies pas tout à fait sa présence à tes côtés, tu n’en restes pas moins un homme poli et civilisé. Il est donc normal et naturel pour toi que de répondre à son interrogatoire. Comment appeler cela autrement sinon ?

- Voyageur de l’Empire sonne plutôt bien j’trouve, mais si tu tiens à savoir mon nom  c’est Einarri. Si Arbor est dans cette direction, j’dois sans doute m’y rendre oui. Comme j’l’ai dit j’ai pas destination précise en tête. Et non voyager seul n’est pas morne loin de là, j’peux apprécier le paysage en toute tranquillité au moins.

Sous-entendu sans avoir personne qui jacasse à côté de tes oreilles à vitesse grand V… Mais tu ne le diras pas Eina. Tu es juste irrité d’avoir vu ta petite pause troublée et cela ne justifie en rien la méchanceté gratuite. En revanche, rien ne t’interdit de le penser ! Tu stoppes ton avancement te rendant compte d’un léger détail. Si tu vas trop loin, c’est en hurlant à distance qu’elle te parlera. Ne serait-ce pas pire que maintenant ? Oui ça le sera sans nul doute… Alors, tu t’arrêtes et jettes simplement un regard en arrière comme pour voir si la miss arrive à suivre le rythme.

- Sauf que moi tu m’connais pas. Je jugerai par moi-même si c’est un bel endroit quand j’y s’rai. Et non je n’y vais pas pour la forge, j’fais voyager c’tout. J’viens d’un p’tit coin dans l’Empire, un endroit qu’personne connait donc ça servira à rien d’savoir le nom.

Ça lui apporte quoi de savoir d’où tu viens ? De toute façon, personne ne connait ton village. Il est perdu entre les montagnes et le téléporter y a été installé il y a peu de temps. Même si tu lui disais où, peu de chance qu’elle connaisse et encore moins qu’elle y soit allée. Tu t’en souviendrais si tu l’avais déjà vu là-bas. Tout le monde connait tout le monde et le moindre visiteur y est repéré à un kilomètre à la ronde. C’est un peu un grand événement quand quelqu’un d’autre que les habitants s’arrête pour passer une nuit ou pour boire un coup dans ton village.

- J’préviens, j’vais pas ralentir mon rythme juste parce que t’es nue pieds et j’veux pas t’entendre geindre à cause de ça. C’est toi qu’a choisi d’me coller au bask’ et non l’inverse ! Et qu’est-ce que tu vas foutre à Arbor toi ? Désolé mais t’as plus une tête de nana qui reste enfermée nuit et jour dans sa chambre que quelqu’un qui se promène où elle veut.

Après tout, personne ne s’aventure en forêt sans être correctement vêtu et près à courir au moindre danger… mais elle ce n’était pas du tout son cas. Tout chez elle laissait transparaitre qu’elle ne venait pas souvent dehors et encore moins dans des endroits aussi perdus qu’ici. C’était quelque chose de normal pour toi que de t’interroger sur sa présence non ? Et puis, après toutes ces questions à ton égard, tu avais bien le droit de lui en poser à ton tour !