L'on entend rarement parler des vies intimes des nobles d'Arbor. Peut-être est-ce parce que la plupart des habitants n'ont cures de savoir si la vie maritale des dirigeants se déroule sans encombre, peut-être est-ce parce que personne ne se doute que celle-ci peut avoir un impact dévastateur sur la politique. Mais heureusement, cette histoire démarre par une erreur qui, plus tard, apportera à Arbor et au bon vieux roi Ashtan un Conseiller Royal de qualité.
Une erreur, oui, pour cette pauvre jeune femme. Elle qui n'avait jamais voulu de l'homme qui partageait chaque nuit ses draps, elle qui, jadis, rêvait au grand amour. Arbor est un pays paisible, mais tous ces habitants ne vivent pas dans le bonheur et la tranquillité, c'est une évidence. De dispute en dispute, de larmes en larmes, elle avançait péniblement dans cette existence lourde que lui avaient donné les esprits. Cruels esprits.
Pourtant, il lui fut donné une fois dans sa vie misérable, une seule fois l'occasion d'entrevoir le paradis. Ce fut suffisant pour lui donner le goût de l'espérance et l'induire en erreur. Ce n'était qu'un voyageur, un homme plus âgé qu'elle. Il venait du lointain Empire d'Aren et elle lui avait parler par accident, un jour qu'elle marchait en ville au milieu de la populace. Il ignorait tout de ce que l'on nommait fidélité et il lui fit oublier ce concept. Ses charmes, sa chaleur, son sourire, tant d'arguments pour laisser derrière elle ses devoirs ! Elle pensa à s'enfuir avec lui mais elle fut vite rattrapée par son mari qui découvrit son  adultère. Fou de rage, il chassa le malheureux voyageur de son territoire et puis éclata une nouvelle dispute. Elle en avait assez de ces engueulades, mais elle savait à présent qu'on ne lui servirait plus que cela.

Neuf mois plus tard les esprits se jouèrent une fois de plus d'elle. Elle avait bien prier le soir pour que son enfant ne porte pas les gènes illégitimes de son ancien amant, mais ce fut vain ; son mari ne la touchait plus. Et voilà qu'un fils naissait. Petit et brun, il piallait dans ses bras et il suffit d'un coup d'oeil pour que la joie de son mari ne disparaisse. Ces mots furent durs, mais déterminant dans la vie future de l'enfant. «  Ce n'est pas mon fils. »
Ainsi, Amil ne put porter le nom si réputé des Lin, à la place, on l'affubla de celui de son père. Son vrai père. Duran était un nom banal et commun en Aren mais qui prenait en Arbor des teintes d'exotisme passable. Ce n'était cela dit qu'un aspect esthétique qui enlevait à Amil tout droit de prétendre à la succession. Il n'était dès à présent plus rien qu'un enfant rejeté par ses pères.

Son enfance ne fut cependant pas des plus tristes. Si sa mère fut à plaindre, elle ne lui transmit pas cette tendance à jouer de malchance et fut aimante et douce. C'est elle qui s'occupa de son éducation et elle eut bien de la chance de pouvoir garder son enfant prêt d'elle. Le lord Lin, quant à lui ne voulu pas entendre parler d'Amil, il fit en sorte d'avoir à le croiser le moins possible. Évidemment, ce rejet eut une conséquence certaine sur le mental de notre jeune homme, comment vivre dans une maison où la seule figure paternelle ne pense qu'à nous éviter ?
Enfant précoce, il se montra très vite acerbe et provocateur. Personne ne lui cachait ses origines et il connaissait bien l'histoire de sa mère et même si on ne lui tint pas rigueur de sa bâtardise, le déshonneur qui s’abattait sur sa mère, il le ressentait tout de même et ne pouvait que se sentir coupable de celui-ci. Enfin, il en voulu rapidement au père Lin pour avoir osé manquer d'indulgence envers sa pauvre maman.
Dès qu'il le voyait, tout était prétexte à une nouvelle dispute et si le lord Lin ne s'était jamais montré violent envers quiconque et ce malgré son esprit très martial, il fut tant poussé dans ses retranchements que cela se finissait bien souvent par de la vaisselle cassée. Amil se vengeait sur lui et il ne voyait en lui que la perfidie naturelle des enfants illégitimes. Ainsi, la vie chez les Lin devint bien plus dure de jour en jour.

Un jour éclata la dispute de trop. Le mari de sa mère avait fait en sorte de se soustraire aux repas, mangeant en décalé d'eux et la pauvre femme osa le lui reprocher. Alors, il hurla sur elle, s'énerva et finit par maudire le pauvre Amil qui n'avait alors qu'une dizaine d'années. Celui-ci entendit tout et puis, la colère lui échappa. Il se défoula dans un premier temps sur le mobilier de sa chambre et quand il eut finit, il se rendit compte qu'il n'était pas calmé. Il lui fallait s'en aller, cela lui apparu comme la seule et unique solution.
Fuguer n'est pas simple, même pour un enfant comme Amil. Il parti avec presque rien et échappa miraculeusement à la vigilance des hommes de son beau-père. Il ne mit pas longtemps à se perdre en ville, seul au milieu des rues à la végétation dense. L'air humide sembla l'étouffer alors que la nuit tombait, il n'avait nul part où aller. C'est là qu'il le rencontra. Il était plus jeune que lui, blond et maigre et n'avait sûrement pas manger depuis un certain temps. C'était un laisser pour compte lui aussi qui refusait toute forme de charité malgré la bonne volonté des habitants.
Amil lui fit confiance sans hésiter et il l'aida à se nourrir et à dormir hors de son palais. Le lendemain, les hommes de Lin le retrouvèrent et le ramenèrent chez lui où il eut droit au sermon le plus long de sa vie.

Le jeune garçon ne perdit pas de vue son nouvel et seul ami. Il revint le voir à chaque fois qu'il en avait l'occasion et puis, peu à peu, ils devinrent meilleurs amis. Malheureusement, Amil était un naïf influençable, à l'époque et son meilleur ami n'était pas des plus fréquentables. S'il refusait la charité, il ne se privait pas pour voler et rusé. Et Amil, en bon ami fidèle, l'imita et l'aida. Oh, il se fit bien prendre de temps à autre mais il était encore trop jeune à l'époque pour qu'une réelle sanction si ce n'est celle de ses parents ne s'applique.
Et puis, un jour, il piocha le mauvais pigeon. C'était son ami qui lui en avait parler, justement, de cet homme pleins aux as qui était de passage en ville. Comment Amil aurait-il put se douter que cet homme fut l'un des homme les plus dangereux du pays ? Il ne le comprit qu'à la seconde où celui-ci se rendit compte que le pauvre garçon de quinze ans lui faisait les poches. Alors, il ne lui fallu pas longtemps pour mettre à terre ce pauvre adolescent et ce même s'il avait reçu un entraînement.
L'homme le reconnu comme il était tout de même l'enfant de la femme d'un Lin et alors qu'Amil pensait mourir, celui-ci lui fit une proposition. Il pouvait rejoindre son groupe de mercenaires pour payer son acte de ses mains ou bien... Ou bien il pouvait sacrifier la vie des siens. A quinze ans, il était facilement impressionnable et il accepta de suivre cet homme. Il eut cependant le droit de dire au revoir à sa mère avant de partir définitivement.
Son meilleur ami, ayant vu toute la scène lui fit la promesse de réunir de quoi le sortir de là et Amil cru en ses paroles, au début.

Au départ, on ne lui demanda que d'effectuer de menus larcins. Des tâches simples, sans danger et presque sans conséquence. En parallèle, on l'entraîna, il fallait qu'il sache se battre en toute circonstance. Peu à peu, à force de voyage, d'aventure et de vol, ses ravisseurs lui apparurent comme une seconde famille. Une famille dangereuse capable de le dévorer au moindre faux pas, mais une famille quand même. Et puis, la sensation de pouvoir que lui procurait ses crimes commençait à lui plaire, il visa de plus en plus gros. Un an passa sans qu'il eut de nouvelle de son meilleur ami, celui-ci avait sûrement dû l'oublier. Tant pis, Amil se persuada qu'il le haïssait.
Et puis, un jour, l'homme qui l'avait arracher à son ancienne vie lui proposa un contrat bien plus gros. Plus horrible aussi. Il s'agissait d'un meurtre. Le jeune homme de seize ans refusa et puis on lui rappela les close de leur accord, brutalement, cela va de soit. Il ne pouvait refuser, c'était ainsi.
Sa cible, une jeune femme à peine sortie de l'adolescence avait une dette envers un homme riche et plus vieux qu'elle. Amil la prit d'abord en filature avant d'enfin prendre contact avec elle. Il tenait, étrangement, à ce qu'elle sache qu'elle allait être tuée. Il la coinça dans une ruelle où elle ne pourrait pas appeler à l'aide et il lui proposa du poison, une manière de mourir sans douleur, selon lui. Contre toute attente, elle accepta et but et puis elle mourut.
Inutile de dire à quel point cette expérience fut déconcertante pour le jeune homme. Grisante, écœurante... Elle lui refila des cauchemars qui aujourd'hui encore rechignent à le laisser en paix. Et puis, et puis ce ne fut que le début. Il s’avéra qu'Amil avait un don pour tuer, selon l'homme qui l'avait enlever. Il lui donna contrat sur contrat et plus le temps passait, plus Amil se montrait créatif dans sa façon de tuer. Il finit par y prendre goût contre son gré. Il était le prédateur, ils étaient la proie.

C'est à dix-huit ans que sa vie bascula de nouveau. Après avoir prouvé son efficacité, il fut promis bras droit du groupe de mercenaires et acquis le surnom de Serpent Noir. De ce fait, il dû prouver sa valeur en attaquant un convoi royal transportant les richesses du pays sur la route tout aussi royale. Ni le nombres de gardes, ni leur expérience n'effraya Amil, il ne recula pas et s'attaqua au convoi.
Erreur ou non, sa mission fut vite compromise. En plus de le reconnaître, voilà que les hommes du roi venaient à l'attaquer. Bien plus nombreux que lui, ils ne mirent pas long à l'immobiliser. Amil s'était bien battu mais pour cette mission, personne n'était assez fort. Alors que les soldats parlaient déjà de le jeter en prison ou bien de s'en débarrasser proprement, les esprits furent cléments avec le jeune Amil. Âgé d'une trentaine d'année, le prince en personne fut attiré par le boucan. Et dire qu'Amil pensait son heure venu ! Il fut si loin de la réalité. Non content de lui offrir une seconde chance en le graciant, le prince Asthan fit de lui son protéger. Sur le coup, Amil n'en cru pas ses oreilles. Mais il ne pouvait se résoudre à refuser une telle occasion, il fonça.
Ce fut une nouvelle vie qui commença alors pour lui. Il abandonna sa vie criminelle et dévoua sa vie au prince et ce malgré les regards en biais que lui envoyaient certains courtisans. Après tout, il était connu pour être un assassin et un voleur, il savait que personne ne pourrait l'accepter aussi facilement. Et pourtant, peu à peu, les insultes directes devinrent des bruits de couloir il parvint même à en oublier partiellement qu'il avait un jour été un hors la loi.
Il accompagna le roi dans tous ses défis, à la mort de ses parents, il fut avec lui et ce bien qu'il n'eut plus de contact avec les siens. A son couronnement, il tâchait de l'épauler comme il se devait et même après, lorsqu'il dû prendre ses premières décisions. Le roi devint sa raison de vivre, son ami et son mentor, à présent, il est rare de voir Ashtan sans l'éternel Serpent Noir à ses côtés.