« La nui été froide se jour la. La neij tombé dehor com un ouragant et le ven soufflé tré for. Tout ses cigne indiqué de la venu d'un gran personnaje : Mael Emrys. Né dan la tampète, il ne serai que plu for pour afronté la vie et le monde. »


Le vent soufflait dans les cheveux du petit rouquin, alors qu'il terminait avec une certaine fierté le premier paragraphe de son autobiographie. L'idée lui était venue quelques jours auparavant, après plusieurs heures de marches aux côtés de son père. Entre les bêlements des moutons et les courants d'air glacé, il fallait bien s'occuper l'esprit. Son père, très peu loquace, lui avait alors confier ne pas vouloir être oublié à sa mort. On rêve tous plus ou moins de marquer l'Histoire, de marquer son temps. On veut tous faire de notre passage dans le monde une aventure unique, qui rendra fiers nos descendants, qui fera honneur à nos ancêtres. On rêve tous d'être quelque chose.

Mael Emrys n'échappait pas à la règle.

Il relut son texte une ou deux fois, satisfait. Son écriture bancale, peu assurée trahissait son manque d’éducation. Beaucoup trop de fautes ponctuait son récit, mais il demeurait l'un des plus lettrés du village. Il devait remercier sa mère pour cela. A défaut de posséder les cinquante pièces d'or nécessaires à sa scolarité, elle lui avait fait cours à la maison et lui avait enseigné des bases d'algèbre, d'écriture et de lecture, qu'elle-même avait dû apprendre seule. Elle était tisserande, c'est elle qui accompagnait son père à la capitale, les jours de marché, dans l'espoir de vendre leur laine. Et c'était la route qu'ils prenaient aujourd'hui tous les trois.

Son père le siffla, il fallait repartir. Mael glissa tout son attirail dans la sacoche de cuir à sa ceinture et bondit sur ses deux jambes, avant d'accourir vers ses parents. Ce qu'il avait hâte d'arriver à destination !

Mael n'avait jamais quitté son village, hormis pour aller se perdre dans les vallées autour. Les treize années de sa petite vie, il les avait passé à courir dans les rues du village de Caerdaron et à se rouler dans la paille. Il connaissait tout le monde en ville et tout le monde le connaissait. Il était celui qui animait l'endroit, qui criait au loup pour faire s'agiter les petits vieux, qui piégeait les femmes au lavoir et qui lançait de la boue aux fenêtres des maisons. Alors quand il fut assez grand pour accompagner son père et les moutons en pâturage, ce fut un soulagement pour beaucoup. Et même pour Mael, heureux de pouvoir passer du temps avec son paternel qu'il ne voyait que très peu. Ce dernier était un homme un peu bourru, renfermé sur lui-même et très secret, mais qui aux yeux de son fils était un adulte plein de savoir. Alors c’était avec admiration dans le regard qu'il écoutait ses conseils. C'est son père qui lui apprit à s’occuper des moutons, à les tondre sans leur faire de mal, mais aussi à se repérer la nuit grâce aux étoiles ou bien à reconnaître les plantes comestibles ou non. Lui aussi, il ne le remercierai jamais assez.

Un soubresaut secoua leur chariot quand ils roulèrent dans un nid de poule. Son père râla, Mael étouffa un rire amusé. Il leva les yeux vers l'étendue azure au dessus d'eux et se mit à sourire. Qu'il était heureux ! Il leur restait encore plusieurs heures de route avant de pouvoir atteindre Tythas, mais Mael s'impatientait déjà. Il rêvait de la capitale depuis si longtemps, elle était le berceau de ses rêves les plus fous et, enfin, il allait la voir !

C'est un nouveau chapitre de sa vie qui allait s'ouvrir, de nouvelles aventures pour le Grand Mael Emyrs.