Il fait un peu chaud ici non ?

J’ai eu assez peu l’occasion de me rendre à Arens. Disons que ce n’est pas mon lieu de prédilection. Autant je supporte bien le froid, autant le chaud c’est une autre histoire.

Du plat de la main, j’essuie la goutte de sueur qui coule sur ma tempe. Le soleil tape fort ; j’ai rabattu la capuche de ma cape pour tenter de me protéger un peu, mais la chaleur est un peu compliquée à subir. Je ne sais pas comment font les Médiateurs d’Arens pour porter leur uniforme ici. Je pense qu’ils ne le portent pas, en fait.

Je croise les bras en regardant les gens passer : des hommes, des femmes, des enfants, la plupart vêtus d’étoffes légères et colorées. Asthil est une belle ville, très différente de Thiiel, que ce soit de l’architecture, des paysages, ou même des habitants.

J’incline la tête pour répondre au salut d’une passante, avant de tourner les yeux vers le téléporteur, par lequel je suis arrivé, un peu en face de moi.

J’attends quelqu’un, un autre Omniscient, venant de la République de ce que j’ai compris. Nous nous sommes portés volontaires pour une mission réservée aux Médiateurs. Quelqu’un, un soldat, a trouvé une gemme de l’eau, une des gemmes les plus dangereuses qu’on puisse trouver sur Sirthaal. On ne peut pas la laisser entre de mauvaises mains ; en fait, on ne peut la laisser dans les mains de personne. Les gemmes des éléments sont destinées à être détruites, ou au moins gardées par les Omniscients ; les Esprits y tiennent. Le problème majeur résidant dans le fait que la plupart des gens trouvant des gemmes d’éléments, s’ils ne les donnent pas directement aux Médiateurs, sont en général têtus et obstinés, difficiles à convaincre. Ils trouvent tous des bonnes raisons pour garder les gemmes. En particulier dans le cas présent ; l’eau est précieuse dans le désert, aussi on peut, au fond, comprendre que quelqu’un souhaite conserver un objet capable de la lui fournir.

Mais aucune exception ne peut être faite. Cette gemme doit être détruite ou, au mieux, être retournée aux mains des Omniscients d’Arens ; ils ont déjà l’habitude de se servir d’une gemme de l’eau pour approvisionner les villages loin de l’oasis d’Asthil.

Je me redresse en voyant une personne, un homme, s’approcher. Il porte l’uniforme de Vanyar ; je suppose que c’est l’homme que j’attends, Arizael de ce que j’ai pu voir sur l’ordre de mission.

— Bonjour. C’est vous, Arizael Alderaim ? Je suis Naswen Kael.

Je tends la main pour serrer la sienne en guise de salut.

— Je crois que notre mission commence au niveau de la caserne militaire d’Arens.

Arizael

Il fait un peu chaud ici non ?

Je hoche la tête lorsqu’il se présente. Ari. Je n’ai pas spécialement l’habitude d’appeler les gens directement par des diminutifs, mais si c’est ce qu’il préfère. Il a l’air un peu plus vieux que moi, avec un peu de chance il est plus expérimenté aussi. Depuis mon passage à Omniscient, c’est une de mes premières missions de cette ampleur, j’avoue être un peu mal à l’aise, j’ai toujours plutôt eu l’habitude de partir en mission avec des personnes plus hautes gradées que moi, j’essaie de ne pas trop montrer que je ne sais pas trop où me mettre.

Je jette un œil à sa carte. Très pratique, en fait. J’apprécie déjà ce monsieur.

La caserne est un peu à l’extérieur de la ville, c’est une structure très importante, Arens est connu pour avoir une armée plutôt importante, leur centre militaire doit en imposer un peu. Je ne sais pas trop si notre uniforme est une sorte de passe-droit pour l’armée d’Arens, mais on peut toujours essayer.

Je tourne les yeux vers Arizael lorsqu’il reprend la parole.

— Je ne sais pas trop. Dans l’idée, on ne lui a pas posé un avis de rendez-vous -pas moi en tout cas.

Je détourne le regard vers la foule, pensif. Je ne dirais pas non quant à mettre des vêtements plus locaux, bien que ça ne soit pas du tout ce que j’ai l’habitude de porter. Mais mes capteurs thermiques sont en surchauffe. C’est à contre-cœur que je réponds :

— Je pense qu’on devrait tenter la carte « visite officielle » pour rentrer. Histoire de ne pas y aller comme des brutes tout de suite…

Comme des brutes, ou comme des espions, à essayer de passer par les portes dérobées.

Nous reprenons la route vers le sud, vers la caserne. Je ne suis pas super à l’aise pour faire la conversation, je ne l’ai jamais été, mais c’est quand même mieux, avec un partenaire de mission.

— Alors… tu es Omniscient de Vanyar, c’est ça ?

Comme si on ne le savait pas, c’est marqué sur son uniforme, Naswen.

— Et… ta mission de passage, c’était quoi ? Les Esprits trouvent toujours de bonnes idées…

Est-ce que je suis un cliché à parler boulot à un collègue ? Je crois que oui. Tant pis, j’ai envie de dire.

On finit par sortir de la ville. Les bâtiments se font plus rares, les chemins sont plus cabossés. Le sable commence à arriver sous nos pieds. Un peu plus loin, une muraille immense se dresse ; encadrant chaque porte, deux gardes armés jusqu’aux dents. Je ne sais pas trop à quel point ils sont aptes à laisser entrer deux Omniscients inconnus de leur Empire, mais il faut bien essayer.

On s’approche, les gardes les plus proches croisent leurs lances, méfiants.

— Déclinez votre identité.