Comme à son habitude, Amil lança une pique et fila avec cette délicatesse qui le caractérisait tant. Ce faisant, il venait de mettre son roi dans la panade. S'il y avait bien quelqu'un qui voulait se la jouer incognito ici : c'était Asthan. Et heureusement que quelqu'un d'autre fit son intervention, cela empêcha la situation de dérailler un peu plus... Ah non, l'herboriste se jeta au sol.

« Oh non, non, non...! Relevez vous...! S'il vous plait...! »

Embarrassé, Asthan se pencha pour tendre les mains au jeune homme vautré par terre. Allons, il n'avait pas à se prosterner comme ça devant lui... En fait, si, mais non. Pas ce soir. Si cela mettait habituellement le roi mal à l'aise, c'était encore pire ce soir-là.

Gardant sa main chaleureuse sur l'épaule de l'herboriste confus, le bon roi leva la tête vers l'Etoile de ses jours, soufflant tout bas son nom. Comme un murmure.

« Luinil...! »

Oui, c'était bel et bien elle. En costume de fleur, certes, mais l'Esprit de l'Etoile était juste devant eux. Rayonnante sous les lumières artificielles de la dimension de Vanyar. Si le brave herboriste à ses côtés se lança dans une tirade des plus passionnée, Asthan en eut le souffle coupé. Ce n'était pas la première fois qu'il voyait Luinil, mais seulement la seconde. Il résista très très fort à l'envie de s'agenouiller devant elle pour l'adorer de la même manière, mais avoir déjà un genou à terre pour aider Moktar, c'était déjà bien.

Maintenant, il fallait arriver à lui répondre, à ne pas la laisser dans le silence et lui mettre un vent mémorable. Allez, Asthan. Que dirait ta femme si elle te voyait comme ça ?

« Oh... Eh bien... Oui, je me porte à merveille...! Et... Et vous...? »

Si Moktar s'évanouit, le coeur d'Asthan s'arrête. Je vous préviens.

Alors, si je m'attendais à surprendre Asthan, je ne m'attendais pas à ce que le jeune homme vêtu d'une robe se jette littéralement par terre, à la fois pour Asthan et pour moi ; le roi s'étant également mis à genoux pour l'aider à se relever. Je me retrouve donc la seule debout du petit groupe. Je n'ai plus vraiment l'habitude de ce genre de formalités, d'autant que je n'ai pas non plus débarqué avec un écriteau avec écrit "Luinil" sur le front. Je m'adresse au jeune homme que je ne connais pas.

- Comme l'a dit Asthan, relèves-toi... pas la peine de te perdre en formules de politesse et en compliments, tu sais. Et puis, si tu es là c'est que tu es invité, et puis l’accoutrement est loin d'être de ton fait. Je ne veux pas m'avancer mais c'est peut-être bien une idée d'Elentir, la robe. A moins que ça ne soit moi, j'ai un doute. Navrée.

J'accorde un grand sourire à Asthan.

- Parfaitement bien !

Je marque un temps, avant de reprendre :

- Laissez tomber votre air maladif tous les deux, ce soir nous sommes égaux.

Afin de détendre l'atmosphère, je place dans leurs mains une coupe remplie d'un liquide pétillant chacun.

Le ROI s'agenouille devant moi pour tenter de me dire de me relever- MON ROI A POSE SA MAIN SUR MOI, PLUS JAMAIS JE ME PLAINS DE MA VIE PROMIS. Puis c'est au tour de Luinil de me demander de me relever, Elle dit des choses si incohérentes, comme quoi j'ai été invité (en quel foutu honneur ?!) et que nous sommes tous égaux ce soir. QUOIIIII, MAIS NON ?! En fait ça marche pas comme ça, je peux pas juste IGNORER qui j'ai à mes côtés ?! (Bonne nouvelle, mon Bon Roi n'a pas l'air d'en mener plus large que moi).

Attendez, elle a dit que la robe était une idée d'Elentir. Et elle me tend un verre avec un sourire. Un verre créé, tout comme cette pièce magnifique, par Vanyar. JE. Je viens de recevoir deux cadeaux des Entités.
Je me relève lentement, obéissant aux ordres de la divinité vénérée, et de grosses larmes de bonheur viennent prendre place sur mes joues.

_ Merci, merci. Je prendrai soin de ces inestimables présents toute ma vie, soyez en sûrs !

Je prends la coupe entre mes mains, tremblant, observant le liquide à l'intérieur. Il me faut faire honneur à la confiance que les Entités ont placé en moi : je vide la coupe d'une traite.

—Tout à fait, Sir Joson ; cela lui va à ravir !

Un chatmniscient ? Le pauvre Naswen se prend donc vraiment pour un chat ? Si cela ne le rendait pas si attirant ce soir, Astéria aurait probablement lâché un sarcasme bien senti. La rouquine lâche cependant un rire joyeux à la plaisanterie, glissant une grattouille sous le menton de l'Omniscient d'Elentir, avant de garder une main sur son bras, sans se décaler - car pour une fois, la proximité ne la gêne pas. Le lendemain, elle s'en voudrait probablement pour cela, pour le moment, elle trouve cela tout naturel. Après tout, c'est ainsi que l'on se rapproche des gens, non ...?

La surprise se peint néanmoins sur le visage d'Astéria à la mention d'Ariazel. Voilà quelques semaines qu'ils se sont rencontrés, mais elle ne pensait sûrement pas le voir par ici !

—Arizael est ici ? Quelle surprise !

La jeune femme termine son verre pendant que ce charmant soldat se présente et en attrape un autre. Quel joli parler ! Elle s'empourpre à sa propre mention, secouant doucement la tête avant de lui lancer son plus beau sourire (elle va avoir une crampe demain, elle a pas l'habitude...).

—Mais voyons, c'est tout naturel... (Une pause, le temps que Joson pose sa nouvelle question et qu'elle remette une mèche de cheveux derrière son oreille.) En effet. Mais je ne le vois pas...

Toute petite qu'elle est, elle est forcée de se mettre sur la pointe des pieds pour regarder autour d'elle… Elle s'empourpre encore, pas assez ivre pour ne pas se sentir gênée. Il y a tellement de jolies personnes autour d'elle, elle commence à avoir chaud, là, quand même ! Une personne, c'est facile à gérer, mais alors plusieurs !… Il faut vraiment qu'elle boive pour faire passer ça...

Luphe observa un peu trop intensément l’homme qui se tenait à quelques pas seulement d’elle et qui lui faisait des grands signes. Voila qui est nouveau.
Elle connaissait ce visage ça elle en était sûre, mais pourquoi alors le nom lui échappait-il ?

Son interlocuteur infortuné semblait en joie. Elle ne comprenait pas trop parce que d’habitude personne n’était vraiment heureux de la voir. Serait-ce l’effet peau verte ?

Elle laissa un soupir vaincu franchir ses lèvres avant de réduire grandement la distance entre elle et l’homme qui gesticulait toujours. Elle leva un peu la tête, ainsi qu’un sourcil interrogateur. Ah il lui parlait. Allons bon.

Mais qu’est ce qu’il racontait ?

Sa réplique culte ?

Il y avait là une private joke qui visiblement lui échappait et pourtant, les mots raisonnaient dans son esprit. Plus elle l’observait, plus elle sentait qu’ils se connaissaient. Mais d’où exactement ? La frustration grandissait en elle alors que le nom du jeune homme lui échappait.

« Est-ce qu’on ne s’est pas déjà rencontré ? »

Bonne question que vous me posez la très cher.

Luphe n’osait pas vraiment bouger. Le type en face d’elle était passé de sourire à regard grave en moins de 2 secondes ce qui était une bien belle performance mais qui laissait notre jeune demoiselle fort confuse.

« Certes… »

Finit-elle par avouer, le regard fuyant. Elle n’en savait pas plus et avait juste senti que c’était à elle de parler. Elle ramena ses yeux pâles sur lui. Clairement toutes les situations dans lesquelles elle s’était retrouvée depuis que ce tordu de Vanyar l’avait emmené ici lui échappait grandement, ce qui ne lui plaisait pas, mais alors pas du tout.

Elle s'accorda encore quelques instant de pure observation intensive.  Si le déclic ne lui venait pas elle devrait s'avouer vaincu et ça c'était hors de question. Elle était déjà verte, n'allons pas rajouter honteuse.

Le garçon lui inspirait le sable chaud.

Que tu es bête Luphe.

En quelques instant elle se recomposa, masquant sa confusion par son indifférence habituelle. Elle osa même offrir au jeune homme un petit sourire moqueur. Le genre qui retrousse le coin d’une lèvre en si peu de temps qu’il faut être maitre pour le voir.

« … Arizael Alderaim, Omniscient du Conseil de la République. »

On a frôlé la catastrophe.

« Vous ici, je vais finir par croire que vous me suivez. »